15 avril 2025

Le projet Omnibus : un recul législatif qui menace les droits humains

Mauvais poisson d’avril… Début du mois le Parlement européen a fait un choix qui met en péril les progrès réalisés en matière de responsabilité des entreprises. Adopter la proposition Omnibus, qui reporte et affaiblit des directives cruciales pour la durabilité des entreprises, c’est opérer un recul inquiétant pour la protection des droits humains, des droits sociaux et environnementaux. Cette déréglementation met en lumière l’urgence d’une action collective pour garantir une transition juste et la responsabilité des entreprises dans leurs chaînes de valeurs mondiales 

Début du mois, le Parlement européen a adopté la procédure d’urgence pour reporter l’application de deux ans des directives CSRD et du devoir de vigilance. Jeudi 3 avril, balayant 69 votes contre, 17 abstentions, ce sont 531 eurodéputé·es qui ont soutenu la proposition de la Commission d’inscrire ce délai dans une directive baptisée « Stop-the-clock », première étape du projet plus complet de la « simplification » Omnibus. Cette décision survient à l’approche de la commémoration du drame du Rana Plaza * au Bangladesh, qui reste l’un des symboles les plus marquants des ravages causés par l’irresponsabilité des entreprises, il y a 12 ans de cela. Face à cette déréglementation, la société civile continue de se battre pour des lois solides garantissant une transition juste. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La proposition Omnibus : déréglementation en lieu de simplification Fin février, Ursula von der Leyen dévoilait son projet de loi « Omnibus », qui regroupe trois lois complémentaires : 

  • La taxonomie, qui définit ce qu’est un investissement vert. 
  • La CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), qui impose aux entreprises de calculer leur impact climatique. 
  • Le CSDDD (Corporate Sustainability Due Diligence Directive), ou devoir de vigilance, qui oblige les entreprises à vérifier, prévenir et atténuer les abus sociaux et environnementaux dans leurs chaînes de valeur. 

Officiellement, ce projet de directive omnibus ambitionne d’assurer « une meilleure cohérence entre ces initiatives législatives tout en réduisant les charges administratives pour les entreprises ». En réalité, ce projet de simplification risque d’aboutir à un affaiblissement des normes environnementales votées dans le cadre du Green Deal, retardant ainsi la transformation durable des acteurs économiques. 

Quels sont les risques concernant la révision sur le devoir de vigilance ? 

Le report de la mise en œuvre du devoir de vigilance a été voté pour une durée de 2 ans. Mais au-delà du simple retard, les affaiblissements sont multiples, dont : 

  • La diligence raisonnable de la chaîne de valeur pourrait être limitée aux fournisseurs directs, et la portée de la définition de « partie prenante » serait considérablement réduite, excluant ainsi les groupes de consommateur·ices, les ONG, et les défenseur·euses des droits humains, qui sont pourtant cruciaux·ales pour identifier et résoudre rapidement les risques pour les droits humains. 
  • Aucune diligence raisonnable pour les entreprises de moins de 500 employé·es dans la chaîne de valeur, exemptant ainsi 80% des entreprises initialement concernées. 
  • Aucune obligation de mettre en place un plan de transition crédible. 
  • Aucune obligation de mettre fin aux relations commerciales en cas de violation des droits. 
  • Suppression du régime de responsabilité civile à l'échelle de l'UE, ce qui signifie que les victimes auront plus de difficultés à accéder aux mécanismes de contrôle et de sanction, pour obtenir justice et réparations. 

Affaiblir des lois à la base conçues pour promouvoir des pratiques commerciales responsables, renforcer la transparence et tenir les entreprises responsables est non seulement absurde face à l'urgence climatique, mais aussi profondément incohérent pour une Europe qui se veut défenseuse de valeurs et de droits fondamentaux. 

Une simplification qui sape les droits des travailleur·euses du Sud global 

Ce recul législatif a des répercussions directes sur les travailleurs·euses des pays du Sud global, déjà confronté·es à l’impunité des entreprises. Kalpona Akter, militante des droits humains et leader syndicale au Bangladesh, met en lumière les conséquences de cette déréglementation. Elle insiste sur le fait que les grandes entreprises ne doivent pas échapper à leur responsabilité : « Je ne crois pas à l'argument selon lequel le devoir de vigilance serait “trop coûteux”. Nous parlons des mêmes entreprises et marques qui, depuis des années, tirent d'énormes profits de notre travail. (…) Ces entreprises sont au courant de cette évolution politique depuis longtemps, et elles clament maintenant que c'est trop compliqué ? Non, c’est simplement gênant pour elles d’assumer leurs responsabilités. » 

Pour Kalpona, la véritable responsabilité des entreprises implique une surveillance stricte de tous les maillons de la chaîne, afin de garantir que les droits des travailleurs et des travailleuses sont respectés. Elle déclare : « Si l'UE limite le devoir de vigilance aux seuls fournisseurs directs, cela ne sera qu'un discours creux pour les travailleurs. Nous serions laissés pour compte. C'est inacceptable. »  

 

APPEL A MOBILISATION : 12 ans après l’effondrement du Rana Plaza, achACT et la Schone Kleren Campagne vous invitent à se retrouver Place de la Monnaie jeudi 24 avril 2025 à 12h en soutien aux travailleuses et travailleurs du Bangladesh, toujours massivement exploité·es et criminalisé·es à la moindre réclamation de leurs droits ! 

 

 

Mais, elle -comme nous- « garde de l'espoir pour la CSDDD, car elle aborde des questions cruciales telles que le salaire décent, la liberté d'association, le climat, le travail forcé et le genre. Mais la CSDDD ne pourra faire la différence tout au long de la chaîne d'approvisionnement que si les responsabilités sont clairement définies. Or, avec toutes ces simplifications, L'UE met en péril la pertinence de la loi sur le devoir de vigilance. » et de rajouter : « le combat pour la justice est un combat sans fin. (…) Mais le changement est possible si nous sommes uni·es. Si vous avez besoin d'un coup de main, nous sommes là pour vous soutenir. » 

Prochaines étapes  

Le projet de loi Omnibus doit encore être formellement approuvé par le Conseil, mais déjà, il est impératif que la société civile persiste à exiger que l'UE prenne ses responsabilités et que les entreprises, grandes ou petites, respectent leurs obligations en matière de droits humains, sociaux, de protection de l’environnement.  

Lisez la Déclaration commune du groupe de travail « Corporate Accountability » : Omnibus : la déréglementation au détriment des droits humains, des travailleurs et de l’environnement.

 

Géraldine Dezé, Chargée d'ECMS et mobilisation WSM

 

Sources :

 

Share


News

EN ES FR NL
Nous découvrir S'informer Agir ensemble Notre réseau Agenda Fais un don

Offres d'emploi Actualités Newsletter Contact