6 mars 2025

Il faut des vraies solutions pour l'est du Congo

La violence brutale exercée sur les civils de l'est du Congo suscite une grande inquiétude et une vive indignation. L'avancée du groupe rebelle M23, soutenu par le régime rwandais, fait à nouveau de nombreuses victimes et provoque des déplacements. En 2024, les mutuelles CGAT et MUSOSA ont déjà témoigné de l'impact de ces violences sur leur travail. Nous exprimons notre profonde solidarité avec le peuple congolais et les organisations congolaises avec lesquelles nous coopérons.

WSM, MC-LCM, CSC-ACV, MOC et Beweging.net soutiennent l'appel lancé aux décideurs politiques belges et à la communauté internationale pour qu'ils s'engagent activement à mettre fin à la violence, à fournir l'aide humanitaire nécessaire et à la responsabilisation des différents responsables.

Une histoire complexe avec de nombreux acteurs

Depuis 30 ans, les guerres et la violence déchirent la vie de millions de personnes dans l'ensemble de la région. L'est du Congo a été particulièrement touché ; personne n'est épargné. Le génocide rwandais de 1994, au cours duquel plus d'un million de réfugiés rwandais ont fui vers les provinces congolaises du Nord et du Sud-Kivu, en est à l'origine. Il s'en est suivi une guerre menée par une coalition de plusieurs pays autour du révolutionnaire congolais Laurent Désiré Kabila qui a conduit au renversement du dictateur congolais Mobutu et qui a surtout permis au Rwanda de neutraliser la menace que représentait la présence massive de réfugié·es à sa frontière. Des réfugié·es dont beaucoup ont été impliqués dans le génocide.

Les guerres qui ont suivi avaient une motivation bien différente : l'exploitation et la commercialisation des ressources naturelles des Kivus.  La deuxième guerre congolaise (1998-2003) a été provoquée par le Rwanda et l'Ouganda, sous prétexte de combattre le président Kabila. En réalité, il s'agissait de contrôler les ressources naturelles. L'accord de paix de 2003 était à peine signé quand d'autres mouvements armés - politiques ou non - sont apparus, soutenus par le Rwanda et l'Ouganda. Aujourd'hui encore, les violences tournent essentiellement autour du contrôle des ressources minières.

Via le processus de paix de Nairobi, le gouvernement congolais tente de mettre fin aux activités de ces groupes armés depuis 2020. Malgré cela, un an plus tard, le M23 a commencé à s'emparer de plusieurs localités du Nord-Kivu, soutenu par le Rwanda. Le processus de paix de Luanda tente donc d'amener les gouvernements congolais et rwandais à un accord depuis 2022.

La coalition du M23 et de l'armée rwandaise a continué à capturer des zones. Elle a finalement pris la ville de Goma fin janvier 2025, provoquant un massacre dans la ville qui a fait plus de 3.000 morts parmi les civils et les militaires et plus de 2.000 blessé·es graves. Les morgues et les hôpitaux sont inondés, plus d'un million de personnes sont déplacées, les aéroports et les voies d'accès humanitaires sont fermés. Le 16 février, la ville de Bukavu est également tombée complètement aux mains du M23 et de l'armée rwandaise. Pendant ce temps, les forces d'occupation progressent vers le sud. Les civils des zones occupées sont confronté·es s à une société totalement désorganisée : prix élevés des denrées alimentaires, banques et écoles fermées, pas de travail dans une situation où les gens doivent pouvoir gagner leur vie tous les jours. D'autres problèmes de santé apparaissent également : les maladies infectieuses se propagent au sein d'une population affaiblie et pour laquelle l'accès aux soins de santé est devenu encore plus difficile. Les mouvements sociaux et les organisations ont été contraints d'arrêter leur travail de renforcement des droits et de construction de la société avec leurs membres. De plus, à Bukavu et à Goma, les détracteurs potentiels des forces d'occupation sont traqués et éliminés. L'armée congolaise elle-même commet également des violences à l'encontre des civils. Les populations du Nord et du Sud-Kivu sont fatiguées de ces épisodes de violence répétés et aspirent à la paix, à la sécurité et à la possibilité de construire une vie digne dans leur village ou leur ville. Malgré cela, le gouvernement congolais ne veut pas dialoguer avec le M23, qu'il considère comme un groupe terroriste.

Des solutions politiques dès maintenant

La Belgique a adopté une position ferme, exigeant la fin des hostilités et le retrait des troupes rwandaises qui combattent avec le M23. La Belgique demande également la fin des accords commerciaux entre l'UE et le Rwanda sur les minerais stratégiques. Il s'agit de ressources naturelles difficilement accessibles au Rwanda lui-même, qui sont extraites du sous-sol congolais, selon plusieurs rapports. Enfin, la Belgique souligne l'importance d'un accord de paix pour un arrêt définitif de la guerre et le respect du droit international et de l'intégrité territoriale du Congo.

Des positions claires qui ne sont malheureusement pas encore partagées par tous les Etats membres de l'UE. Nous regrettons donc que le Conseil européen, la Commission européenne, et les Nations Unies n'adoptent pas une position claire et une action appropriée pour résoudre la crise et faire pression sur le Rwanda pour qu'il mette fin à son soutien au M23. S'il est positif que le Conseil de sécurité des Nations unies ait, pour la première fois, nommé de manière aussi explicite l'implication du Rwanda dans le conflit, il faut aller plus loin. Il ne suffit pas de condamner. Pour obliger le Rwanda à respecter le droit international et à abandonner sa position belliqueuse, il faut exercer des pressions, y compris des sanctions ciblées.

Le Parlement européen a voté une résolution contenant des demandes concrètes, l'interruption de la coopération entre l'UE et le Rwanda dans le domaine des matières premières critiques durables et des sanctions personnelles à l'encontre des chefs rebelles impliqués et militaires rwandais.

En réponse à la prise de position claire de la Belgique et du Parlement européen, le Rwanda a décidé de suspendre sa coopération bilatérale avec la Belgique en prévision d'une décision devenue inévitable pour le gouvernement belge. Ainsi, le régime rwandais se montre sensible aux pressions extérieures.

WSM et un certain nombre d'organisations du mouvement ouvrier chrétien (MOC) travaillent depuis plus de 20 ans avec un certain nombre des organisations de la société civile au Congo, notamment dans les provinces du Kivu.

Par solidarité avec elles·eux, et parce que le droit international et les besoins humanitaires sont prioritaires, nous soutenons :

Nous appelons les autres acteurs locaux et internationaux à prendre toutes les mesures nécessaires pour parvenir à une paix durable dans la région. Après le traumatisme du génocide rwandais qui a fait tant de victimes, nous ne pouvons accepter la répétition des crimes et des massacres au Kivu, ni rester indifférents au nom d'intérêts économiques et commerciaux.

 

Photos © Didier Petre

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