8 juillet 2020

Des uniformes officiels belges produits dans des conditions indignes en Roumanie

Des uniformes de l’armée belge et de la Police sont fabriqués par des  travailleur-euses roumain-es sous-payé-es et forcé-es de travailler en été sous des températures suffocantes. C’est ce qui ressort aujourd’hui d’un article publié dans l’hebdomadaire Knack. Ces vêtements sont produits en Roumanie par deux usines détenues par les sociétés belges Sioen et Seyntex. Une loi belge sur le « devoir de vigilance » est absolument indispensable afin de responsabiliser davantage les entreprises.

L’article confirme les recherches antérieures menées par le réseau international de la Clean Clothes Campaign sur les conditions de travail dans les usines de confection en Europe de l’Est. Les travailleurs interviewés témoignent des dettes qu’ils sont forcés de contracter pour répondre à leurs besoins de base, de la forte pression au travail et des fortes chaleurs qu’ils subissent en été dans leurs usines.  Le salaire minimum légal en Roumanie –le plus courant dans le secteur textile- s’élève à 250 euros nets par mois pour un temps plein.  Or, le seuil de pauvreté établi par l’UE pour ce pays est de 345 euros par mois pour une famille. Le salaire minimum est quatre fois inférieur à ce qui est considéré comme un salaire minimum vital, soit dans le même ordre de comparaison qu’au Bangladesh. Selon les directives internationales, les entreprises ont la responsabilité de faire respecter les droits humains (et donc également le droit à un salaire vital) dans l’ensemble de leur filière d’approvisionnement, même lorsque les gouvernements des pays producteurs ne le font pas. La Commission européenne elle-même reconnait que les salaires minimum sont trop bas dans un certain nombre de pays de l’Union. Une consultation est en cours avec les partenaires sociaux concernant un cadre législatif pour des salaires minimum « équitables » dans l’UE.

Allô, les autorités belges ?

Avec une large coalition d’ONG et syndicats belges, WSM et l’ACV-CSC METEA plaident en faveur d’un cadre légal obligeant les entreprises belges à assumer une responsabilité réelle sur le respect des droits humains dans leurs filières d’approvisionnement. Dans le jargon, on parle de « Human Rights Due Diligence » (devoir de vigilance).  

Sanna Abdessalem, coordinatrice d’achACT : « L’article paru dans Knack montre une fois de plus qu’il y a une faille majeure dans le système : malgré les promesses répétées, il n’y a pas d’amélioration structurelle des conditions de travail dans les filières de production d’entreprises occidentales-y compris des belges. Il est temps pour les autorités belges de créer un cadre juridique contraignant. Le gouvernement s’est trop longtemps concentré sur les initiatives volontaires, mais elles ne sont clairement pas suffisantes. »

Une telle loi sur le « devoir de vigilance » oblige les entreprises à identifier et à prévenir les risques de violation des droits humains dans l’ensemble de leur chaîne de production. Ainsi, si un problème est constaté, elles doivent y remédier et les victimes doivent avoir accès aux tribunaux. Enfin, les entreprises doivent communiquer en toute transparence sur l’ensemble de ce plan de vigilance. La France a bien une telle loi, tandis que dans d’autres pays européens, le débat est en cours. En Belgique, ce n’est pas encore le cas. Les entreprises qui ne se soucient pas de leur responsabilité sociétale ne sont pas sanctionnées. A l’inverse, les entreprises qui font de réels efforts de manière transparente, au sein d’initiatives contraignantes et multipartites, font face à des concurrents qui produisent dans des conditions néfastes pour les travailleurs, dans le but de mettre la pression sur les prix. les uniformes de l'armee et de la police belge produits dans des conditions de travail deplorables

Le fait que notre pays soit à la traîne a aussi été confirmé par une recherche menée par HIVA (institut de recherche sur le travail et la société de la KU Leuven). Le chercheur de l’institut HIVA Huib Huyse de la KU Leuven formulait dans son article de sévères critiques envers les autorités belges : notre pays n’encourage pas suffisamment les entreprises s’approvisionnant à l’étranger à se soucier des droits humains et de l’environnement dans les pays à revenus faibles. La KULeuven  plaide aussi pour un cadre politique belge qui oblige les entreprises à assumer une réelle responsabilité en matière de respect des droits humains.

Notons qu’au niveau européen, Didier Reynders, commissaire à la Justice, a récemment déclaré publiquement qu’il entamera prochainement le processus d’élaboration d’une réglementation obligatoire sur le devoir de vigilance…Une telle disposition, si elle voit le jour, devra donc être adoptée par les États européens.

Un gouvernement a également d'autres leviers d’action à sa disposition. Ainsi, une politique d’achats publics durables pourrait donner une impulsion forte à des entreprises qui contractent des accords avec des institutions publiques. Or, si la durabilité sociale est de plus en plus souvent recherchée dans les achats publics, ce n’est pas encore systématique.

Travailler ensemble à des solutions

WSM et l’ACV-CSC METEA invitent Sioen et Seyntex à entamer un dialogue sur leur manière de prendre en compte leur ‘devoir de vigilance ‘. Les syndicats peuvent aussi jouer un rôle important à cet égard: ils sont les mieux placés pour négocier et surveiller une amélioration des conditions de travail. C’est aussi le rôle des syndicats d’entamer un dialogue social sur ces questions avec la société mère ou donneuse d’ordre. Mais tant les autorités qu’un rapport de forces défavorable avec les employeurs les empêchent souvent de pouvoir jouer ce rôle. C’est ce qu’on constate malheureusement en Roumanie aussi. Le manque de transparence empêche les employés belges des sociétés en question d’être au courant de telles situations. Vinciane Mortier, secrétaire générale de l’ACV-CSC Metea: «Un comité d'entreprise européen, dans lequel sont représentés les travailleur.euse.s et syndicats de différents pays peut exiger de la clarté et participer au contrôle des processus de production. Aujourd'hui, les employés belges ont peu d'informations sur les conditions de travail dans la filière d'approvisionnement de leur entreprise. Un nivellement vers le bas des conditions de travail peut également être évité par le biais de réglementations plus contraignantes au niveau européen ou international. »

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