Depuis cette pandémie du COVID-19, l’humanité est confrontée à l’une des crises les plus graves et les plus incertaines de son histoire. Face à la mondialisation de l'économie et de la crise sanitaire, il faut réagir en mondialisant la solidarité! Ainsi, l'économie sociale et solidaire (ESS), qui met l'humain et ses droits au centre de ses activités, plus que le capital, est un outil à privilégier pour reconstruire nos sociétés. Dans cet article, RIPESS, partenaire de WSM, partage son positionnement et l'urgence de développer un nouvel écosystème local et mondial.
RIPESS Intercontinental - mars 2020
La mondialisation actuelle de la pandémie COVID-19 lui a permis de s'étendre à tous les pays. Même les populations éloignées sont menacées, tout comme les populations des zones de guerre et celles qui vivent dans des conditions d'exiguïté et de mauvaise hygiène, comme les camps de réfugiés, mettant ainsi en danger la vie de tous les êtres humains dans un monde de plus en plus globalisé. Cette pandémie frappe fort dans de nombreux bidonvilles surpeuplés des mégapoles du monde entier, ainsi que pour de nombreuses autres personnes en situation de subsistance quotidienne qui n'ont pas accès à l'eau courante, ni à un magasin d'alimentation. Dans ces endroits, l'éloignement social est pratiquement impossible à maintenir et l'interruption des activités est un vrai luxe que les gens ne peuvent absolument pas se permettre.
Le changement climatique est un autre résultat de la mondialisation actuelle et représente l'un des facteurs déclencheurs de cette crise ; il touche également tous les pays et met en danger les conditions de vie partout dans le monde, avec des conséquences toujours plus graves pour des populations déjà vulnérables. Nous devons rapidement atténuer et adapter nos réponses au changement climatique afin de préserver la biosphère de notre planète pour les générations futures, la biodiversité et les écosystèmes.
Aujourd'hui, ces crises déjà pré-existantes sont aggravées par une crise économique imminente liée à notre système néolibéral axé uniquement sur le profit et basé sur des chaînes d'approvisionnement mondiales. La recherche d'une croissance continue, l'extraction illimitée des ressources, l'industrialisation des systèmes alimentaires et la privatisation des soins de santé sont autant de causes profondes de ces crises qui sont profondément imbriquées. Le flux de richesse vers les 1% de la population les plus riches et la concentration du pouvoir économique dans les organisations financières privées et les multinationales réduit les fonds destinés aux services de santé publique dans la plupart des pays. Le rôle et les obligations des États de garantir les droits humains fondamentaux, comme ceux des soins de santé et de l'alimentation pour tous, ainsi que les fonds nécessaires à la recherche pour prévenir de futures épidémies ont été gravement diminués au cours du temps. Il est temps d'agir!
Soyons conscients que les dirigeants politiques de la plupart des pays prétendent que la pandémie de COVID-19 est une situation temporaire, qu'une fois qu'un vaccin aura été mis au point, la vie reviendra à la "normalité" et que la mondialisation actuelle apportera la prospérité à tous. Nous savons tous que c'est totalement faux! Beaucoup nous accordons pour affirmer que ne voulons pas revenir à cette "normalité", avec ses injustices et ses inégalités sociales et économiques croissantes. Le temps est venu de construire, collectivement, une nouvelle normalité, une nouvelle qualité de vie pour tous fondée sur la justice sociale, la solidarité et l'égalité.
Le défi que nous devons relever aujourd'hui est de savoir comment construire un modèle de développement alternatif, axé sur les besoins de tous les peuples et de toutes les communautés du monde, et sur la protection de notre planète. La fenêtre d'opportunités est maintenant ouverte pour accélérer le processus, capitaliser sur les milliers de solutions ingénieuses déjà créées au sein des communautés et rendre le changement positif, permanent et mondial dans toute sa diversité.
Depuis les temps ancestraux, les communautés autochtones et indigènes ont géré les ressources et les biens de la nature pour le bien commun et de manière durable. Tout comme de nombreuses coopératives et mutuelles d'assurance maladie ont été créées par des personnes pendant la Grande Dépression, les dernières décennies ont vu la croissance de nombreuses organisations centrées sur l'humain dans le monde entier. En ces temps difficiles, nous sommes témoins de la résurgence, partout dans le monde, de la solidarité entre les personnes auto-organisés et au sein des communautés. Soulignons un signe positif qu'est le travail de soins réalisé par de nombreuses initiatives de l'Économie Sociale Solidaire (ESS) travaillant côte à côte avec le système de santé publique. Néanmoins, nous devons aller plus loin, en renforçant l'accès universel aux services essentiels tels que les soins de santé, le droit à l'alimentation et la protection sociale.
En tant qu'alternative au néolibéralisme, l'ESS a connu une croissance importante dans un grand nombre de pays. Bien que l'ESS soit basée sur le développement d'activités économiques, il s'agit surtout d'un mouvement qui promeut un développement durable, fondé sur les Droits Humains, les relations harmonieuses avec la nature, les communautés démocratiques et égalitaires, la solidarité et la coopération mutuelle à tous les niveaux, du local au global. En d'autres termes, l'Economie Sociale et Solidaire est fondée sur la justice sociale, économique et environnementale.
Tout en nous appuyant sur ce que nous savons déjà, il est important que nous développions et renforcions les écosystèmes de l'ESS à tous les niveaux. Comme l'affirme l'Agenda 2030 des Nations Unies, nous devons adopter une approche holistique, car la vie est également holistique.
Toutes ces crises actuelles mettent bien en évidence le fait que nous devons construire des économies locales fortes et dépendre moins des chaînes d'approvisionnement et des finances mondiales. Ainsi, au niveau local, l'objectif est que les organisations d'ESS et celles de la société civile, mais aussi les autorités locales et tous les autres acteurs impliqués donnent la priorité à la santé et à la défense de la vie. Dans les circonstances actuelles, ces entités doivent continuer à travailler ensemble pour répondre aux besoins de la population, en commençant par rendre l'accès pour tous aux besoins fondamentaux tels que: l'alimentation, le logement, les soins de santé et l'éducation, un travail décent et un revenu de base, etc. La coopération, avec son approche solidaire, est la clé. En un mot, il faut viser la création d'un meilleur écosystème local d'ESS.
Au niveau territorial, régional et national, les gouvernements doivent s'associer à tous les acteurs de la société civile, qui doivent eux-mêmes être organisés en réseaux structurés, pour construire ensemble un écosystème national ou régional qui doit être durable et viable. La voix et les besoins de la société civile doivent être au centre des préoccupations. Certains pays sont déjà bien avancés dans ce processus et dans lesquels existent déjà des lois ou des politiques nationales pour l'ESS, des financements et des aides pour aider les gens à s'organiser en coopératives ou d'autres types d'entreprises démocratiques et collectives dirigées par les membres. Pour ces dernières, le fait de générer des richesses doit profiter à la communauté et non aux actionnaires. Il va de soi qu'un tel écosystème d'ESS doit inclure le financement social, le financement et l'accès à la recherche et à la production de logiciels libres (open source), ainsi que l'apprentissage coopératif. De plus, il doit impliquer la conscientisation et sensibilisation de tous les secteurs de la population, à commencer par celles et ceux qui sont les plus touchés par l'injustice du système économique actuel.
Au niveau mondial, il faut continuer à faire prendre conscience de l'impact négatif que la surproduction et la pollution ont sur la vie humaine. Cela signifie qu'il est urgent d'appeler les gouvernements nationaux et les organisations multilatérales à prendre en compte les accords internationaux sur l'environnement, les Droits Humains, le désarmement, le travail décent et la protection sociale.
Notre organisation dispose d'éléments positifs sur un écosystème d'ESS qui doit être développés, renforcés et multipliés. Le Groupe de Travail Inter-agences des Nations Unies sur l'Économie Sociale Solidaire (UNTFSSE), composé de 18 agences des Nations Unies plus l'OCDE, et de 13 observateurs de l'ESS représentants des réseaux internationaux d'ESS (dont le RIPESS) et des organismes de recherche, est à la pointe de l'organisation de cet écosystème. L'UNTFSSE et les observateurs s'accordent sur l'importance d'impliquer les pays dans cette démarche. Nous soutenons fermement l'adoption d'une résolution des Nations Unies sur l'ESS. Une telle résolution, adoptée par l'Assemblée Générale des Nations Unies, encouragerait les États à promouvoir et à soutenir l'ESS aux niveaux national et infranational.
"Transformons l'économie pour sauver la planète"