4 mai 2022

Célébration de la journée internationale du Travail : au Rwanda, les travailleur-euses attendent toujours la détermination du salaire minimum garanti

Le 29 avril 2022

Chaque 1er Mai, c’est la journée internationale du travail. C’est un moment où le monde entier se rappelle que le travail bien fait et des investissements économiques responsables créent la richesse véritable et durable. Avec cette nouvelle célébration, les travailleur-euses du Rwanda attendent toujours du Gouvernement qu’il détermine le salaire minimum garanti selon ce que prévoit la Loi portant règlementation du Travail.

Qu’est ce qui empêche la détermination de ce salaire minimum ?

L’Article 68 de la Loi portant règlementation du Travail au Rwanda telle qu’adoptée en 2018, précise clairement que c’est l’Arrêté du(de la) Ministre ayant le Travail dans ses attributions qui détermine le salaire minimum garanti. Cette même disposition se retrouvait dans l’ancienne Loi abrogée en 2018. Depuis son adoption en 2013 jusqu’à son abrogation en 2018, c’est en vain que l’Arrêté du Ministre a été attendu, malgré plusieurs campagnes de plaidoyer et bien de promesses de la part des officiels gouvernementaux.

En 2018, quand les députés à l’Assemblée Nationale votaient l’actuelle Loi portant sur la règlementation du Travail, ils ont insisté pour que les différents Arrêtés ministériels de mise en œuvre soient vite pris. Jusqu’à aujourd’hui, presque tous les Arrêtés ont été adoptés sauf deux : celui en rapport avec l’enregistrement des organisations syndicales au Rwanda et celui en rapport avec la détermination des salaires minima selon les différents secteurs professionnels.

Dans sa conférence de presse du 16 mars 2022, le Premier Ministre, Monsieur Edouard NGIRENTE, en répondant à un journaliste qui l’interpellait à ce sujet, a dit : « Dans les jours qui viennent, il sera déterminé le salaire minimum dans le pays. Après la détermination, suivront les contrats de travail fixant les heures de travail et les tâches. Nous y travaillons pour que ce salaire minimum soit déterminé ».

Cette promesse n’est pas nouvelle et le salaire minimum ne vient toujours pas. Aucun travailleur au Rwanda ne connaît les véritables raisons qui empêchent la détermination du salaire minimum. A cette nouvelle célébration de la journée internationale du Travail, la grande majorité des travailleurs et travailleuses ainsi que les familles qu’ils font péniblement vivre avec des salaires trop maigres ignorent quand les promesses se traduiront en actes concrets.

Rien ne peut être reproché aux travailleur-euses

Les salaires de misère n’empêchent pas aux travailleurs et travailleuses de bien se comporter et de réaliser un travail impeccable partout où ils-elles travaillent dans le secteur privé formel ou dans l’économie informelle. Ils-elles ne se découragent pas, malgré le contexte. Au contraire, ils-elles font tout pour que les entreprises où ils-elles travaillent prospèrent, ce qui leur permet de subvenir tant bien que mal aux besoins de leurs familles, et de faire avancer le pays.

Tout-e observateur-rice remarque le développement rapide que le Rwanda continue d’atteindre dans tous les secteurs de la vie du pays : des infrastructures, des services divers, du développement socioéconomique, de l’extraction minière et bien d’autres. Tout cela n’aurait pas été possible si le/la travailleur-rice n’avait pas investi sa force, son engagement et son professionnalisme.

Par ailleurs, il ne faut pas penser que puisque le/la travailleur-rice est jusqu’ici irréprochable, qu’il-lle fait ce qu’il doit faire, qu’il n’est pas nécessaire de l’encourager. Ce serait de l’injustice et une grande erreur. Les entreprises et les pays gagneraient davantage si cet investissement de force, d’intelligence et de professionnalisme du/de la travailleur-rice étaient reconnu-es et récompensé-és à leur juste titre.

La Loi sur le relèvement du montant du petit salaire non taxé est également attendue

Vers la fin de 2021, l’Assemblée Nationale a eu à examiner un projet de Loi qui avait pour but de relever le montant du petit salaire mensuel non taxé. Ce projet de Loi relevait le montant jusqu’à 60 mille Frw (un peu moins de 60 EUR) à partir de 30 mille Frw actuels (un peu moins de 30 EUR). A ce moment, certain-es député-es avaient exprimé leur souhait de voir le montant relever jusqu’à 100 mille Frw (environs 100 EUR).

C’était également une bonne nouvelle pour les travailleurs et travailleuses aux petits salaires. En effet, certain-es employeur-euses bloquent les salaires à 30 mille Frw pour éviter de payer les taxes professionnelles et les contributions sociales. Ils-elles préfèrent ainsi toujours les classer dans la catégorie des journaliers, malgré qu’ils-elles soient ensemble depuis plusieurs années et contrairement aux dispositions de la Loi qui impose de verser les contributions sociales pour tout travailleur-rice.

En agissant ainsi, les employeur-euses veulent toujours garder cette latitude de renvoyer les travailleurs quand ils-elles veulent et dans les conditions qui leur sied. Le fait de relever le montant du petit salaire non taxé permettrait à un bon nombre de travailleurs et travailleuses de ne pas continuer à être bloqués à 30 mille Frw.

Nous osons croire que l’attente ne sera pas éternelle

Nous savons tous et toutes que notre Gouvernement met en avant le développement socioéconomique et le bien-être de sa population. Cela est une évidence. Le fil rouge de la gouvernance que doivent suivre toutes les instances d’administration centrale et locale c’est « le citoyen d’abord ». Et la grande majorité de ces citoyens est constituée de travailleur-euses. Et même celles et ceux qui ne travaillent plus à cause de leur âge avancé ou celles et ceux qui ne travaillent pas encore puisque ce sont des enfants, sont à la charge des travailleur-euses.

 « Le/la citoyen-ne d’abord » signifie aussi qu’il faut apprécier ses forces, ses efforts et son engagement au travail à leur juste valeur puisqu’ils-elles font vivre bien des familles et font progresser le pays. La détermination du salaire minimum garanti et le relèvement du montant du petit salaire non taxé sont tous deux nécessaires et l’un n’exclut donc pas l’autre. Nous attendons tous et toutes que ces promesses se voient traduites en actes concrets.

Séraphin Gasore, le rédacteur de l’article paru initialement en Kinyarwanda, la langue locale au Rwanda, dans trois media en ligne les plus suivis du pays, est le Secrétaire Exécutif d’INSP!R Zamuka du Rwanda qui regroupe 8 organisations membres : syndicats qui organisent les travailleur-euses, celles qui encadrent les unités de l’Economie Sociale et Solidaire, celles qui préparent les jeunes à affronter l’avenir en leur apprenant les métiers divers et celles qui encadrent les personnes du troisième âge.

Quant au contexte de l’article, il faut savoir que le Rwanda est un petit pays à cheval entre l’Afrique Centrale et l’Afrique de l’Est. Il compte pour le moment presque 13 millions d’habitants sur une superficie d’un peu plus de 26 mille KM2. Avec une ambition affichée de devenir un pays émergeant en 2035, le revenu annuel par habitat au Rwanda est de presque 800 Dollars US. 36% de la population reste sous le seuil de pauvreté. Le salaire minimum garanti connu date de 1980, devenu obsolète, puisque les employeur-euses font ce que bon leur semble quand ils-elles doivent déterminer les salaires.

Rédigé par Séraphin Gasore

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