Avec près de 22% (chiffres 2018), la Belgique est le troisième importateur de cacao dominicain. Et c'est une bonne nouvelle, car la République dominicaine est à son tour le numéro un mondial en matière de cacao biologique. Cela signifie un cacao équitable et durable, produit dans le respect des personnes et de la nature. C'est exactement ce que la Belgique veut promouvoir avec l'initiative "Beyond Chocolate" : des chaînes plus durables. Afin d'appréhender plus concrètement cette "attention portée aux personnes et à la nature", WSM et l'ambassade de Belgique en République dominicaine ont organisé, le 24 mars dernier, une première table ronde sur le cacao durable et la manière dont les deux pays peuvent y travailler ensemble.
La République dominicaine ne part pas de zéro. En effet, dans les années 1980, c'est la coopération allemande au développement qui a mis en place un important programme visant d'abord à organiser la chaîne du cacao dominicain, puis à la rendre durable. Le résultat est ce que nous voyons aujourd'hui. Environ 60 à 70% du cacao dominicain est certifié équitable, avec des dizaines de milliers de producteur.trices conscient.es et doté.es du savoir-faire nécessaire pour fournir un produit biologique et de qualité. Les producteur.trices sont suivi.es, soutenu.es et guidé.es par l'organisation faîtière CONACADO, la Confederación Nacional de Cacaocultores Dominicanos, qui est passée d'un projet de développement à une structure complète comprenant un groupe commercial, une coopérative et une ONG.
Néanmoins, des défis subsistent. En effet, aussi importante que soit la valeur du commerce équitable et durable, cette valeur ne couvre pas le même enjeu pour tout le monde. Le cacao peut être biologique, et son prix plus juste et plus stable, mais le label n'aide pas toujours les producteur.trices de cacao à bénéficier d'une pension et d'une sécurité sociale, ou encore d'un accès au crédit. Des défis pour lesquels cette initiative belge "Beyond Choolate" pourrait apporter une valeur ajoutée.
Cette approche basée sur les droits, et plus particulièrement le droit à la protection sociale et au travail décent, est précisément ce que vise le programme de WSM et de la CSC en République dominicaine. Et, ce programme s'étend au secteur du cacao, où, par exemple, avec l'organisation de femmes agricultrices, la CONAMUCA (Confederación Nacional de Mujeres Campesinas), l'objectif est de renforcer les femmes productrices de cacao dans leurs initiatives (la part des femmes productrices de cacao en République dominicaine est d'à peine 18%).
Tout d'abord, l'objectif est de former et de renforcer les coopératives. Aujourd'hui, les femmes se sont organisées en associations (dans la région de Monte Plata, au centre de la République dominicaine), la CONAMUCA compte environ 18 associations de productrices de cacao), mais sans structure juridique. Et, cela a ses conséquences. Parce qu'individuellement, les femmes sont trop petites en tant que productrices pour obtenir un crédit afin de développer leurs activités. De plus, dans la plupart des cas, les femmes n'ont même pas les documents de propriété des terres qu'elles cultivent (parfois depuis plusieurs générations). La création d'une structure coopérative permet aux femmes de donner à leur association un caractère socio-économique formel, qui leur permet d'obtenir des crédits ensemble, et éventuellement, de mettre en place des services supplémentaires pour et par elles-mêmes.
En outre, l'accès adéquat à la protection sociale, bien qu'il s'agisse d'un droit humain, reste un défi pour les productrices de cacao. Elles disposent toutes du SENASA, l'accès gratuit aux soins de santé de base dominicains (le paquet de base, pour ainsi dire) et aussi une carte de solidarité avec accès à divers programmes d'assistance, mais elles n'ont pas de statut, ni d'accès à une couverture adéquate et suffisante.
En collaboration avec le syndicat dominicain CASC et son service AMUSSOL, la CONAMUCA a donc lancé cette année un programme pilote visant à donner aux agricultrices, membres de la CONAMUCA, un accès réel au système de sécurité sociale dominicain. En tant que caisse de sécurité sociale pour l'économie informelle, AMUSSOL se concentre sur cette cible de la population dans des secteurs souvent très développée dans les villes, comme le transport, la construction, le nettoyage, les vendeurs de rue et d'autres secteurs qui sont principalement informels. AMUSSOL, en tant qu'employeur virtuel, facilite l'accès de ces travailleur.euses informel.les à la sécurité sociale. Grâce à sa collaboration avec CONAMUCA, AMUSSOL propose désormais ses services aux agricultrices. Ces quelques 8.000 membres de la CONAMUCA auront ainsi accès à une véritable couverture comprenant une pension, une assurance contre les accidents du travail et une assurance maladie plus complète. Toujours avec AMUSSOL comme employeur virtuel. Le programme pilote a été lancé le mois dernier, le 17 mars, avec pour premier groupe cible les productrices de cacao de Monte Plata.
Par Gijs Justaert - Coordinador Continental América Latina y Caribe WSM
Cover Photo © Fran Afonso