Si le virus n’a été détecté que tardivement en Afrique, les cas d’infection n’ont, depuis lors, fait qu'augmenter. Aujourd’hui, 51 pays, soit la quasi totalité du continent, ont recensé des cas à l’intérieur de leur territoire. Ce n'est donc qu'à la fin du mois de mars que les premières mesures liées au COVID-19 ont été prises en Afrique. Pays par pays, il a été décidé que certains marchés et magasins fermeraient, que les citoyen-nes devraient rester chez eux et se laver suffisamment les mains. Il va sans dire que ces mesures représentent un défi énorme dans un continent où 90% des emplois sont informels et où la pauvreté, elle aussi, est endémique.
De Kinshasa à Dakar en passant par Cotonou, le même constat est fait partout: un confinement strict et de longue durée de la population en Afrique subsaharienne est compliqué, voire impossible. Comme l’explique Arnaud Zaccharie, secrétaire général du CNCD-11.11.11., la grande majorité des Africain-es n’ont pas d’emploi formel et n’ont donc pas un salaire qui tombe chaque mois, permettant de subvenir aux besoin de base d’une famille. Par conséquent, chaque jour, de nombreuses personnes doivent sortir de chez elles afin de pouvoir nourrir leur famille.
Comment rester cloitré-e dans un bidonville où l’on ne dispose que de quelques mètres carrés d’espace par personne ? Comment se laver les mains quand l'eau est rare et le savon l’est tout autant ? Comment survivre, jour après jour, quand on vit de la vente de légumes sur un marché qui est dorénavant fermé ?
"Si vous prenez des mesures qui affament la population, elles finiront par être bafouées sans permettre d'atteindre les objectifs." Patrice Talon
C'est en ces mots que le président du Bénin, Patrice Talon, a résumé la situation du pays dans une allocution le 29 mars. Celui-ci a en effet renoncé à placer le pays en confinement, estimant que la plupart de ses compatriotes n'étaient pas dans la mesure de se confiner durant trois semaines.
Face à la menace que représente le COVID-19 en Afrique, nos partenaires, syndicats, mutuelles, coopératives et organisations de femmes, se préparent tant bien que mal à la crise à venir.
Si cette crise sanitaire est révélatrice de bien d’inégalités, elle prouve également l’importance et la nécessité d’un système de protection sociale. Une protection sociale forte est la garantie de prise en charge des soins de santé pour les nombreux patients atteints du coronavirus et la garantie d’un revenu de remplacement pour celles et ceux qui ne peuvent travailler. Bien qu’appréhendant les semaines à venir, nos partenaires africains sont plus que jamais convaincu-es de l’importance de leur mission: œuvrer davantage pour l'avènement d'une protection sociale inclusive dans leur pays.
En ce moment, l’accent est mis sur la sensibilisation et l’information des citoyen-nes, par exemple apprendre les gestes à adopter pour éviter d’être contaminé-e. Grâce à des cliniques mobiles, les mutuelles de santé vont à la rencontre de villageois-es, donnent des conseils de prévention, ainsi que du savon et des masques et aident les hôpitaux à se préparer à faire face à la pandémie en cours. Il faut rassembler le matériel nécessaire au soin des personnes contaminées par le coronavirus, qui seront probablement nombreuses dans les jours et semaines à venir.
Au Burkina Faso, l’état d’alerte sanitaire a été déclaré et plusieurs mesures sont prises par le gouvernement pour endiguer l’épidémie. Depuis le 27 mars, plusieurs grandes villes du pays, où des cas d’infection ont été constatés, ont été mises en quarantaine et les établissements scolaires sont pour l’instant fermés. Des messages de prévention sont diffusés dans les médias (télévision, radio et presse écrite), mettant en avant les mesures d’hygiène à observer : utiliser du gel hydroalcoolique, éviter les contacts physiques, port du masque, etc. L’ensemble de ces mesures nécessite la mobilisation de près de 394 milliards de FCFA, soit 4,45% du PIB.
Cette crise sanitaire vient s’ajouter aux difficultés que nos partenaires rencontrent déjà sur le terrain. En effet, le pays est sujet à d’importantes attaques terroristes depuis 2015. Conséquence directe de cette insécurité, on estime à plus de 700.000 le nombre de déplacés internes. Des régions épargnées par la violence se retrouvent surpeuplées, ce qui entraine un manque d’eau, de nourriture, de médicaments et d’espace. De nombreux camps se créent dans le pays, où règnent promiscuité et conditions sanitaires déplorables. Le réseau national multi-acteurs de protection sociale au Burkina Faso (RNMA-PS/BF), dont nos partenaires font partie, mène de nombreuses actions en faveur des personnes déplacées. Freiner la progression d’une épidémie telle que celle du coronavirus apparait encore plus difficile dans un tel contexte...
Au Mali, l’état d’urgence sanitaire a été déclaré sur l’ensemble du territoire et les mesures préventives sont largement diffusées. Un fonds de 6,3 milliards de FCFA (un peu moins de 10 millions d’euros) a été constitué par le gouvernement afin de lutter contre la pandémie en cours. Toutefois, les inquiétudes restent grandes dans ce pays secoué depuis de nombreuses années par des violences djihadistes et des conflits intercommunautaires et où le manque de moyens est couplé à une insécurité permanente.
L’Union Technique de la Mutualité malienne (UTM) a produit, avec le soutien de WSM/DGD/LCIANK, des panneaux et des messages d’information et de sensibilisation à destination de son personnel et des organisations mutualistes (voir ci-dessous). Ceux-ci ont été affichés sur le lieu de travail, les structures sanitaires, le siège des mutuelles et diffusés sur les radios locales à l’attention de la population. Par ailleurs, des kits contenant du savon liquide et du gel hydroalcoolique ont également été placés dans les locaux de ses représentations régionales et de ses partenaires, comme les structures sanitaires et les mutuelles membres.
En République Démocratique du Congo, l’épidémie de COVID-19 vient également s’ajouter à une situation nationale déjà difficile : la malaria, la rougeole et le virus Ebola font encore de nombreuses victimes tandis que l’Est du pays est toujours un foyer d’insécurité important. Ajoutons à cela que les infrastructures sanitaires nécessaires aux analyses et à la prise en charge des patients contaminés manquent cruellement. L’état d’urgence a également été déclaré en RDC. Toutefois, au vu de la concentration de la population dans les villes ainsi que la précarité dans laquelle vit celle-ci, les mesures prises par le gouvernement risquent de ne pas être totalement observées.
Le MOCC, partenaire de WSM et coupole de mouvements socio-éducatifs regroupant près de 85.000 membres, a invité tous les cadres et les militant-es de ses associations membres à diffuser les précautions à prendre pour se protéger et à observer les mesures préconisées par l'OMS et le gouvernement pour lutter contre la pandémie (à savoir le confinement, la distanciation, l’utilisation de masques et de gel désinfectant, etc.). Une augmentation de prix des masques et du gel désinfectant a déjà été observée, rendant inaccessibles à une grande partie de la population ces produits de protection.
Au Bénin, WSM et CNV s'efforcent également de stopper la propagation du coronavirus en diffusant une vidéo explicative pour enseigner à la population ce qu'elle peut mettre en place par elle-même dans son propre foyer.
***
Cette crise sanitaire mondiale nous rappelle la nécessaire solidarité qui doit exister au sein des différents pays touchés par l’épidémie comme entre les continents. Face à ce virus, on ne peut laisser personne de côté.