Une grosse fissure annonçait l’effondrement du bâtiment la veille de la catastrophe. Et pourtant, sous une forte pression, les travailleurs de l’habillement du "Rana Plaza" ont dû se remettre au travail. Ce sont 1138 d’entre eux qui ont succombé. Six ans après la catastrophe, 29 organisations, dont Solidarité Mondiale (WSM), demandent une loi pour interdire à l’avenir toutes conditions de travail dégradantes dans les chaînes de production des entreprises belges du secteur de l’habillement, et d’autres secteurs.
Ces demandes étaient au cœur d’une action de sensibilisation et d’interpellation, organisée par achACT ASBL et la campagne SKC (Schone kleren Campagne), intitulée "Rana Plaza, never again", rassemblant la société civile ce 24 avril 2019, à Bruxelles. Un défilé plutôt macabre de ’mannequins aux vêtements brûlés’ attirait l’attention des foules et des prises de paroles successives rendaient hommage aux victimes et portaient haut et fort nos revendications ! Nous avons été entendu !
Chers/chères Président·e·s de parti, chers/chères représentant·e·s politiques,
Il y a 6 ans, jour pour jour, au Bangladesh, le Rana Plaza s’effondrait. Alors même que le bâtiment menaçait de s’écrouler, des milliers de travailleurs, pour la grande majorité des femmes, avaient été contraints par leur direction de reprendre leur travail pour y produire des vêtements destinés à des entreprises européennes. 1138 personnes ont été tuées ce jour-là, et plus de 2500 ont été blessées. Cette catastrophe sans précédent a accru la prise de conscience collective concernant les conditions de travail désastreuses dans les filières d’approvisionnement des entreprises. Suite à l’indignation publique, des entreprises se sont engagées contractuellement à soutenir leurs fournisseurs du Bangladesh en adhérant aux Accords pour l’amélioration de la sécurité de leurs bâtiments. Parmi elles, peu d’entreprises belges. Et peu d’encouragement en ce sens de la part du gouvernement belge.
Le Rana Plaza n’est hélas pas le seul exemple de violations des droits humains ou de dommages environnementaux commis par des sociétés ayant des activités internationales. Citons encore : la catastrophe de Bophal en Inde, la pollution à grande échelle causée par Chevron en Equateur, les violations des droits du travail de la part de Samsung, le déversement d’amiante par Eternit en Inde, les violations des droits humains par le géant agricole belgo-luxembourgeois SOCFIN en Sierra Leone, le travail des enfants et la déforestation massive dans la production de cacao en Afrique de l’Ouest, etc.
Chers/chères représentant·e·s politiques, ne pensez-vous pas que les entreprises doivent respecter les droits humains et l’environnement, et ce, quel que soit l’endroit où elles opèrent ? Les Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’Homme adoptés en 2011 sont clairs : les gouvernements sont tenus de protéger les droits humains, y compris contre les violations commises par des entreprises. Cela exige des mesures appropriées pour prévenir, enquêter, sanctionner et réparer les violations au moyen de politiques, de lois, de réglementations et de voies de recours judiciaires efficaces. Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ratifié par la Belgique impose également cette obligation.
Les entreprises sont tenues de respecter les droits humains, y compris dans leurs filières d’approvisionnement et leurs filiales, en appliquant le principe du devoir de vigilance (due diligence). Ce principe comprend l’identification, la prévention efficace et la remédiation des risques de violations des droits humains. Le respect des droits humains et de l’environnement, y compris par les entreprises, n’est pas une exigence démesurée. Pourtant la Belgique tarde à se doter d’un cadre juridique en la matière.
Une étude de l’institut de recherche HIVA-KU Leuven concluait déjà en avril de l’année dernière que la Belgique était à la traîne par rapport à ses pays voisins en raison de l’absence d’un cadre politique qui incite les entreprises belges à rendre leurs filières d’approvisionnement plus durables. Le Plan d’Action National belge en la matière se limite à lister les initiatives en cours, prévoit uniquement de sensibiliser les entreprises et de soutenir les initiatives volontaires. Une nouvelle étude de ce même institut se penche plus particulièrement sur les entreprises belges. Elle conclut que les entreprises n’accordent pas suffisamment d’attention aux droits humains et aux conditions de travail dans leurs filières d’approvisionnement. Les initiatives volontaires ne suffisent tout simplement pas : les entreprises qui ne respectent pas les règles ne sont pas sanctionnées. Quant aux entreprises qui font un effort réel, elles doivent faire face à de la concurrence déloyale.
Rana Plaza : plus jamais ça ! Mais sans se concentrer sur un cadre juridique qui clarifie les règles et les impose à toutes les entreprises, une nouvelle catastrophe, au Bangladesh ou ailleurs dans le monde, n’est pas à exclure.
C’est pourquoi nous demandons une loi belge qui oblige les entreprises à respecter effectivement les droits humains et l’environnement, tout au long de leurs filières d’approvisionnement internationales ou dans leurs filiales à l’étranger, et qui les rende légalement responsables si elles ne le font pas. Il est par ailleurs essentiel que les personnes qui subissent un impact négatif résultant d’activités d’entreprises ayant un lien belge (même si ces victimes se trouvent hors de Belgique), aient accès à la justice et à une réparation en Belgique."
Visionnez aussi la capsule vidéo qui reprend les deux années de campagne, que WSM a mené autour des vêtements de sport clean, et tous les résultats engrangés.
Au nom de nos organisations et syndicats, et des dizaines de milliers de victimes de violations des droits fondamentaux commises par des entreprises, nous vous exhortons à agir en ce sens dès que possible lors de la prochaine législature. Vous engagerez-vous aussi sur cette voie ?
Voici la liste des signataires actuels :
Els Hertogen , 11.11.11 Koepel van de Vlaamse Noord-Zuidbeweging
Carole Crabbé, achACT
Daisy Herman, ACRF - Femmes en milieu rural
Marc Leemans, ACV-CSC
Vinciane Mortier ACV-CSC METEA
Philippe Hensmans, Amnesty International Belgique francophone
Wies De Graeve, Amnesty International Vlaanderen
Peter Wouters, Beweging.net
Wies Willems, Broederlijkdelen
Mario Coppens et Olivier Valentin, CGSLB
Arnaud Zacharie, CNCD-11.11.11
Delphine Latawiec et Felipe Van Keirsbilck, CNE
Agathe Smyth, Commission Justice et Paix
Hélène Capocci, Entraide&Fraternité
Claudia Saller, European Coalition for Corporate Justice (ECCJ)
Robert Vertenueil, FGTB
Elie Verplancken, FGTB Centrale Générale
Myriam Delmée, FGTB - SETCa
Hanne Flachet, FIAN Belgium
Annuschka Vandewalle, FOS
Dave Van Meel, Greenpeace Belgium
Ariane Estenne, MOC
Tom Joos, Mutualités Chrétiennes
Barbara Janssens, Netwerk Bewust Verbruiken
Michel Kervyn, Oxfam-en-Belgique
Sara Ceustermans, Schone Kleren Campagne
Véronique Wemaere, Solsoc
Jean-Philippe Ducart et Julie Frère, Test-Achats
André Kiekens, WSM-Solidarité Mondiale