Au Guatemala, Judith Girón a perdu son emploi et son toit après s'être révoltée, aux côtés de 46 autres agriculteur·rice·s, pour réclamer des salaires plus élevés dans la plantation de café où ils·elles travaillent. Retour sur une histoire au goût amer sur le servage, l'émancipation, la gourmandise et l’espoir d’un nouveau printemps…
Les hommes qui travaillent et vivent ici gagnent entre 30 et 40 Quetzales par jour. Cela représente environ trois à cinq euros, l’équivalent d'un café et d’un biscuit dans le meilleur café belge. Les femmes gagnent encore moins, et les enfants sont obligés de travailler pour compléter le revenu familial. Les agriculteur·rices en ont assez des salaires de misère, qui sont bien inférieurs à celui que prévoit la loi. Ils·elles ne veulent plus être à la merci d'un patron qui les traite comme des outils. Ils·elles rêvent à voix haute d'un avenir meilleur pour elles·eux et pour leurs enfants.
Leur résistance a conduit à des démissions. 46 familles se sont retrouvées sans abri du jour au lendemain. Une lutte quasi perdue d’avance... Ironiquement, ils·elles ne pouvaient pas se payer une aide juridique, jusqu'à ce qu'ils entrent en contact avec le MTC, un mouvement pour les travailleur·euses agricoles et les agriculteur·rices. Grâce au MTC, les familles ont reçu des terres (agricoles) en guise de compensation.
Judith Aguilar Girón, Cesar Gonzales et leurs quatre enfants vivent à La Nueva Primavera (le nouveau printemps en français), le nom que les agriculteur·rices ont donné à leur nouvelle communauté?: «?maintenant, c'est à nous de faire de cet endroit un foyer où il fait bon vivre, où nous travaillons ensemble notre terre pour notre propre usage et pour la vendre dans notre magasin local.?», témoigne Judith. «?Nous cultivons du café, du cacao, des légumes et des fruits. Une infirmière nous rend visite tous les mois, et depuis deux ans, nous organisons des cours pour nos enfants.?»
Judith est très enthousiaste lorsqu'elle parle des cours sur les droits des femmes organisés par le MTC. Elle enchaine?: «?je n'ai pratiquement pas suivi d'enseignement, car on n’avait pas d’argent pour ça. J'avais l'habitude d'obéir à mes parents, à mon patron, à mon mari. En peinant, en s'inquiétant et en restant silencieux·se, votre estime de soi souffre. Plus j'en apprends sur mes droits, plus mes yeux s'ouvrent. Ce n'est que maintenant que j'ose m'exprimer et que les gens découvrent qui je suis vraiment. La prise de décision et le leadership ne doivent plus être une affaire d'hommes. Dans notre village, nous avons mis en place un conseil des femmes. Cela demande un sacré retournement de situation. Les projets que nous proposons ne sont pas accueillis avec des acclamations, si vous voyez ce que je veux dire…?»
C'est un nouveau printemps porteur d’espoirs qui s'annonce pour Judith, même si les nouvelles idées et l'organisation doivent encore s'épanouir et se mettre en place. Pour cela, Judith compte sur le soutien constant du MTC. «?Si nous parvenons à être officiellement reconnu·es, nous pourrons également avoir accès à l'eau et à l'électricité, à l'éducation et aux soins de santé. J'ai hâte de construire une petite école et un centre communautaire. Il existe déjà des initiatives pour travailler ensemble. Mais une véritable coopérative de producteur·ices de café, c'est de la musique pour moi. J'espère que davantage de femmes et de jeunes prendront conscience de leur pouvoir et mettront la main à la pâte dans notre société de rêve. Vous verrez alors que dans un avenir pas si lointain, l'été se lèvera à La Nueva Primavera.?»
Pour travailler avec les agriculteur·rices de Nueva Primavera, le MTC a pu compter sur le soutien financier d'ACV-CSC Alimentation & services et du fonds sectoriel Alimento.