La synergie MASMUT (réunissant des organisations belges soutenant les mouvements mutualistes au niveau international) et la Plateforme de Coordination Travail Décent (un réseau de neuf organisations belges de la société civile unissant leurs forces pour promouvoir le travail décent dans le monde) ont eu l'honneur de participer à l'ambitieuse conférence qui s'est tenue à Malines le 23 avril et qui a mis en lumière les efforts de la Belgique pour ériger les droits en matière de santé en tête des agendas européen et international.
Quelque 250 personnes se sont réunies à Malines (Centre Lamot) pour un important événement d'experts organisé par la présidence belge du Conseil de l'Union européenne. En provenance d'Afrique et d'Europe, un éventail impressionnant de décideurs politiques, de parlementaires, d'universitaires, de représentants de la société civile et d'organisations internationales réfléchissent à la mise en place de systèmes de santé solides, à la couverture sanitaire universelle et à la participation sociale.
La ministre Caroline Gennez a souligné la nécessité de renforcer la coopération entre toutes les parties prenantes, y compris la société civile, afin de mettre en place des systèmes de santé plus solides. « La santé est un bien public mondial, qui ne se limite pas aux hôpitaux, aux médicaments et aux vaccins. C'est une question de pouvoir et donc d'inégalité », a-t-elle souligné dans son discours d'ouverture.
C'est pour cette raison qu'il faut voir les relations de pouvoir et les déséquilibres de pouvoir qui sont présents dans nos sociétés et dans nos systèmes de santé. Cette préoccupation est au cœur de notre travail en tant que MASMUT, une synergie entre différentes organisations belges soutenant des mouvements de mutuelles de santé dans un certain nombre de pays, en Afrique en particulier.
« En Belgique, les mutuelles de santé cogèrent le système d'assurance maladie, avec un budget annuel de 38 milliards d'euros, ce qui signifie que nous pouvons décider avec les autres parties prenantes comment et pour quelles priorités ce montant est investi », explique Luc Van Gorp, président du Collège intermutualiste national. "Mais soyons clairs : notre coopération internationale, avec nos collègues d'Afrique, d'Asie, d'Amérique latine et d'Europe, n'a pas pour but de promouvoir notre système. Il n'est pas nécessaire de copier-coller un système, au contraire, il s'agit de s'appuyer sur des principes et des valeurs de base auxquels nous adhérons en tant que mouvements sociaux et qui s'appliquent partout dans le monde."
Cette conférence nous donne l'occasion de discuter à l’occasion d’un atelier sur le rôle transformateur de la société civile en général et des mutuelles de santé en particulier. En effet, les mutuelles de santé "transforment" les politiques et les systèmes de santé existants en s'attaquant à ces relations de pouvoir de manière très concrète.
Comment expliquer que les femmes constituent la majorité des membres de la plupart des mutuelles de santé ? Elles se soucient de la santé de leur famille et d'elles-mêmes. Certes, il a fallu pour cela changer l'attitude de leurs maris, mais dans de nombreuses communautés, nous constatons aujourd'hui que les femmes assument des rôles plus importants en tant que bénévoles et dirigeantes des mutuelles de santé.
"Le rôle transformateur des mutuelles de santé peut également être observé à un autre niveau", explique Bart Criel (professeur émérite à l'IMT, Anvers). Il a étudié cet impact pendant de nombreuses années et a documenté, par exemple, l'indignation qu'elles ont provoquée lorsque ces organisations ont osé remettre en question les décisions des médecins dans les centres de santé ruraux en Guinée. Ce phénomène, inédit il y a plusieurs décennies, est devenu une pratique courante dans les régions où les mutuelles de santé négocient régulièrement avec les prestataires de soins de santé. Souvent, ces négociations aboutissent à des protocoles qui déterminent l'éventail des services de santé qui devraient être disponibles, leur coût et leurs modalités de prestation.
Pour Sybille Reichert (AIM), l'approche ascendante est essentielle au développement des mutuelles de santé. "En conséquence, nous devrions insister pour avoir des mécanismes institutionnalisés de dialogue où les mutuelles de santé peuvent négocier structurellement et efficacement, non seulement avec les prestataires de soins de santé, mais aussi avec les représentants du gouvernement sur les priorités clés des politiques de santé".
Espérance Kaneza (PAMUSAB, Burundi) et Moustapha Mbengue (UNAMUSC, Sénégal) ont tous deux pris la parole durant l’après-midi collaboratif de la conférence, étant présents en Belgique pour une semaine de plus afin de pouvoir en livrer davantage sur le potentiel transformateur des mutuelles de santé dans leurs pays respectifs. Pour libérer ce potentiel, il faut créer un environnement favorable à l’essor de ces organisations. À cet égard, le Dr Bakary Siriki Kone explique que la Commission de l'UEMOA (Union économique et monétaire ouest-africaine) a élaboré un cadre réglementaire régional spécifique depuis le début des années 2000. L'objectif est de créer un environnement favorable aux mutuelles de santé dans les 8 États membres de l'UEMOA. Cette réglementation innovante, datant de juin 2009, est mise en œuvre dans l’ensemble des pays, mais de manière progressive. Le comité consultatif initié pour suivre la mise en œuvre de ce règlement comprend à la fois des représentants des gouvernements et des mutuelles de santé.
Dans ses remarques finales, Uzziel Twagilimana (WSM) souligne que l'engagement de la Belgique et de l'UE à cet égard est essentiel. Leur soutien continu est nécessaire, non seulement pour permettre à ces mutuelles de santé de se développer et de se consolider, mais aussi pour plaider en faveur de ce dialogue institutionnalisé dans les pays du monde entier.
« La santé et la protection sociale universelles doivent être et rester des domaines stratégiques clés pour les institutions européennes ».