Dans le cadre de la 97° Semaine Sociale du MOC, sous le thème de "Le Mouvement social face à l’urgence écologique", Benita Cordero, représentante de notre organisation partenaire en République dominicaine, la CONAMUCA, est venue témoigner d’un projet "d’agroécologie féministe" qu’elles ont développé. Retour sur le projet...
En République Dominicaine, notre partenaire CONAMUCA (Confederacion Nacional De Mujeres De Campo), soutient plus de 10.000 femmes issues de communautés paysannes afin qu’elles puissent développer en toute autonomie des projets agricoles, d’élevage et commerciaux tout en mettant au centre de leur action l’écologie et le développement durable.
Il faut plus d’une heure de route pour rejoindre la localité de Monte Plata depuis Santo Domingo, la capitale. Au fond d’une piste de terre cabossée, Beata Vidal, nous accueille dans son ’conuco’ (ferme). Avec sa famille, elle y cultive la yucca, la banane et autre citrons et oranges sur une superficie de quelques ares. Les arbres se dressent fièrement et exposent les fruits prêts à être cueillis, gonflés par le climat tropical favorable des Caraïbes. Beata dispose également d’un petit élevage de cochon, vaches et de poules qui gambadent joyeusement en toute liberté dans l’exploitation. Elle nous fait également visiter sa dernière initiative en date : une coopérative de production de fromages, qu’elle vend sur les marchés locaux. Elle n’est pas la seule à afficher une telle réussite. Dans son village, ce sont quarante-quatre femmes, toutes soutenues par CONAMUCA, qui ont lancé divers projets.
« CONAMUCA ne leur propose pas un appui financier, mais plutôt une large formation qui va leur permettre d’être actrices de leur destin », nous explique Juana Merced, présidente de l’organisation. Les femmes peuvent, en effet, se former gratuitement en suivant un cycle éducatif au centre de formation ‘Mama Tingó’, situé dans les faubourgs de la capitale. « Nous leur enseignons en premier lieu l’égalité entre les hommes et les femmes, car il est essentiel qu’elles prennent conscience qu’elles sont capables d’être autonomes et de lancer leur activité économique ». Elles y apprennent également à gérer leur mini-entreprise et à trouver des fonds via la recherche de micro-crédits.
CONAMUCA offre aussi un support juridique pour aider les villageoises et leurs familles à récupérer leurs terres, spoliées pendant la dictature de Trujillo et offertes à des généraux qui n’ont pas hésité à y installer des exploitations industrielles de canne à sucre. « La lutte est toujours intense, mais depuis les années nonante, nous arrivons à prouver peu à peu la propriété de ces familles sur leurs terres ancestrales », déclare avec triomphe Juana Merced.
Une formation en agroécologie complète l’offre du cursus. Elle leur permet de prendre connaissance de techniques respectant l’environnement mais aussi d’acquérir la conscience que la transition écologique est un objectif à atteindre. « Nous voulons produire des aliments biologiques, sans pesticides. Il est hors de question de polluer nos terres et de gaspiller les réserves d’eaux », tempête Yolanda, jeune paysanne ayant récemment terminé le programme de formation. « Nous avons vu ce que les exploitations de canne à sucre ont provoqué comme dégâts lors des dernières décennies. Les sols ont été appauvris et les rivières se sont asséchées.".
"Nous voulons un changement de paradigme, qui nous réconcilie avec l’environnement " Yolanda
Ces femmes ne se contentent pas de mener la lutte écologique au niveau de leur exploitation. Elles se mobilisent aussi politiquement pour s’assurer que leur pays entre dans la voie de la transition. En 2017, le parlement dominicain a voulu approuver une loi obligeant toute exploitation agricole à utiliser des semences de la firme Monsanto. « Le problème, c’est que leur utilisation obligerait les paysan.nes à utiliser des pesticides qui détruiraient leurs cultures », nous explique Alexis Roman Javier, coordinateur pour WSM-Solidarité Mondiale en République Dominicaine.
CONAMUCA et ses 10.000 affiliées se sont coalisées au sein d’une plateforme de la société civile afin d’exiger le retrait du projet législatif. Et avec succès ! Face à la fronde, le gouvernement a gelé la réforme et n’est pas prêt à la ressortir des cartons !