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Black friday, ce jour de l’année où les promotions les plus folles ont cours sur les sites de vente en ligne. Des prix bas, toujours plus bas. Tout au long de l’année, certaines enseignes de mode proposent déjà des prix au rabais, des ventes flash, des réductions massives sur des collections éclair. C’est notamment le cas de l’enseigne Shein. Peu connue du grand public mais qui fait fureur auprès de ladite “Génération Z”, à coup de marketing intensif sur les réseaux sociaux.
Nos partenaires suisses de l’ONG Public Eye ont mené l’enquête…
Les chaînes d’approvisionnement de Shein sont particulièrement denses et opaques. L’entreprise soumet notamment ses appels d’offres via des annonces sur la plateforme WeChat lui permettant d’organiser des centaines d’ateliers informels produisant pour elle, une manière de se dédouaner de toute responsabilité quant aux conditions de travail qui y ont cours.
Et ces conditions sont en effet déplorables: semaines de 75 heures, un seul jour de congé par mois, absence de contrat de travail, insalubrité des usines, etc. Une personne doit travailler pour deux afin d’atteindre les quotas demandés.
Lire : Trimer pour Shein
Le recours important aux nouvelles technologies pour optimiser son rendement se retrouve à toutes les étapes de la production de la marque. Tous les fournisseurs de Shein, dont la majorité se trouvent dans un quartier rebaptisé “Village Shein”, sont connectés à un logiciel développé par l’entreprise et reçoivent automatiquement les commandes. Cette technique permet à Shein de réagir très rapidement aux tendances, mais implique également que les travailleur·euses doivent faire preuve d’une grande flexibilité. Ils et elles doivent pouvoir confectionner des vêtements différents en petites quantités et dans des délais extrêmement serrés afin de tenir la cadence infernale imposée par l’ultra fast fashion.
Les conditions de travail ayant cours dans le centre de logistique EC Hub en banlieue liégeoise, où sont gérés les colis renvoyés des acheteur·euses déçu·es ne sont guère plus enthousiasmantes : quotas inatteignables, faible proportion de contrats à durée indéterminée, recours massif à l’intérimaire, formation à la va-vite, licenciements expéditifs, instructions en chinois, etc.
Les syndicats ont eu toutes les peines du monde à percer les portes d’EC Hub. Daniel Maratta d’UBT FGTB et Ludovic Moussebois de la CSC Transcom expliquent « La proportion élevée d’intérimaires rend l’organisation collective impossible ». Depuis juillet dernier, EC Hub semble avoir cessé ses activités, les employés se sont retrouvés sans occupation et sans savoir de quoi leur avenir sera fait. « Des employés sans activité depuis juillet ? C’est du jamais vu. »
Lire: Shein, le fantôme de Liège
D’après Cédric Leterme, qui travaille pour le Gresea « À l’heure où la Belgique se positionne de plus en plus comme une plaque tournante du e-commerce avec la Chine et où l’arrivée du géant Alibaba à l’aéroport de Liège suscite d’importantes controverses, cette enquête sonne comme un avertissement. Certes, une entreprise n’est pas l’autre et le modèle de Shein n’est pas celui d’Alibaba. Mais, les similitudes sont suffisamment nombreuses que pour être soulignées : deux fleurons chinois du e-commerce, spécialisés dans la vente de produits à bas prix au détriment des conditions de travail et de l’environnement. Difficile de voir comment de tels modèles pourraient se traduire par autre chose qu’une course vers le bas à la fois sociale et environnementale. »
Conclusion, des prix aussi bas ont nécessairement un coût, celui des conditions de travail des travailleur·euses sur qui reposent les filières des enseignes telles que Shein. Shein poussent les pratiques pourtant courantes dans l'industrie de la mode à leur paroxysme. C’est préoccupant. Les entreprises de l’habillement doivent être contraintes au niveau international, européen et belge de faire respecter les droits humains dans leurs chaînes de valeur.
Découvrez l’enquête réalisée par Public Eye en deux actes :
L’analyse publiée par le Gresea : « Enquête sur Shein, l’autre fleuron chinois du e-commerce présent à Liège », Cédric Leterme, Gresea, novembre 2021.
Retrouvez le communiqué de presse Black Friday : De Guangzhou à Herstal, la face cachée des vêtements à prix cassés de Shein
© Panos Pictures / Public Eye